Pierre Fourier et Alix Le Clerc, la rencontre de deux intuitions pour répondre à un besoin prioritaire du temps
Pierre Fourier (1565-1640), fondateur avec Alix Le Clerc (1576-1622) de la Congrégation Notre-Dame, est né à Mirecourt (actuel département des Vosges), dans le duché de Lorraine, alors indépendant.
En 1585, il entre chez les Chanoines réguliers de Saint Augustin, choisissant ainsi une forme de vie religieuse qui permet une large action apostolique et pastorale.
En 1597, Pierre Fourier devient curé de Mattaincourt. L’Église commence seulement à mettre en œuvre la réforme voulue par le concile de Trente, après une longue période de décadence : très nombreux sont encore les abus, ainsi que l’ignorance du clergé et des fidèles.
Pierre Fourier a un regard lucide sur les défauts de la société et de l’Église de son temps et il ne saurait s’en accommoder. Il va s’employer, selon ses moyens, à lutter contre les abus et les injustices de la société, en même temps qu’à rétablir, dans sa paroisse et partout où va s’étendre son influence, une authentique vie chrétienne. Pour lui, en effet, le renouveau pastoral va de pair avec l’amélioration de la condition sociale.
Dans ce contexte, une question le préoccupe particulièrement, celle de l’instruction et de l’éducation des enfants, notamment des filles des milieux populaires, tout à fait délaissées à cette époque. Il est persuadé, en effet, que l’éducation chrétienne et l’instruction des filles, tout en les aidant « à vivre et à bien vivre », peuvent et doivent conduire à une réelle transformation des familles et de la société tout entière.
Or, en 1597, une jeune paroissienne de Mattaincourt, Alix Le Clerc, vient trouver Pierre Fourier pour lui confier son désir de se donner à Dieu et de « faire une nouvelle maison de filles [une nouvelle congrégation de religieuses], pour y pratiquer tout le bien que l’on pourrait ».
De la volonté de rénovation sociale de Pierre et de l’intuition d’Alix va naître, en 1597, la Congrégation Notre-Dame, vouée à l’enseignement et à l’éducation des filles, dans des écoles ouvertes à toutes où l’on mènera de front éducation chrétienne et formation humaine.
Ainsi, en répondant à un besoin prioritaire du temps, l’éducation des filles, la Congrégation va travailler à la promotion de la femme en vue d’une transformation de la société. En 1598, la première école voit le jour en Lorraine. Elle sera suivie de nombreuses autres, en France et en Europe et, plus tard, sur d’autres continents.
Une spiritualité de l’incarnation : spiritualité de la route
Pierre Fourier fonde la Congrégation Notre-Dame sur une « spiritualité » : celle de l’Incarnation. Celle-ci inspire la règle de vie des sœurs qui pourrait se résumer dans cette injonction : « Suivre le Christ visiblement conversant en ce monde », c’est-à-dire, commente Paule Sagot, « vivant avec les hommes et les femmes de son temps, de son pays, lorsqu’il parcourait avec ses apôtres les routes de Palestine. Le suivre partout où il ira, c’est marcher avec lui sur les routes, livré à l’imprévisible de la rencontre, à l’inattendu des événements.»
« Spiritualité de la route » qui invite à le suivre dans sa vie publique et affirme la vocation apostolique de la Congrégation Notre-Dame.
De façon significative, Pierre Fourier enracine cette spiritualité dans l’Évangile des noces de Cana (Jn 2, 1-11) : premier geste de la vie publique du Christ chez saint Jean, et texte fondateur de la Congrégation Notre-Dame par cette parole de Marie aux serviteurs : « Faites tout ce qu’il vous dira ». La Congrégation commence donc par une noce, une fête avec du vin ! Parce que le compagnonnage avec le Christ est une noce… jusqu’à ce que se réalise la parabole du festin des noces du Royaume où l’humanité toute entière sera rassemblée autour de son Seigneur qui la servira (Lc 12, 37), parce qu’il n’y aura plus en elle de refus d’aimer. L’éducation est un regard qui va jusque-là.
« Ne pas considérer les personnes comme elles devraient être mais comme elles sont ou peuvent être. » Ce regard s’enracine dans la parole de Dieu et sa fréquentation familière. C’est parce que des générations de sœurs de Notre-Dame ont été rencontrées, façonnées, habitées par cette parole dans leur quotidien qu’elles ont peu à peu découvert et porté ce regard sur tous ceux qu’elles rencontraient, jeunes et adultes, « tant pauvres que riches ».
Aujourd’hui, cette inspiration éducative n’est pas l’exclusivité des sœurs. Chaque éducateur est invité à puiser à la source de Pierre Fourier et d’Alix Le Clerc pour redécouvrir sa responsabilité propre et le sens de sa mission.